18 mars 2014

Potosi, l'argent du diable

Le 3 mars nous arrivons à Potosi en fin d'après-midi. Cette ville de plus de 100 000 habitants est la plus haute du monde à 4070m. Potosi est connue pour sa montagne, el Cerro Rico (la montagne riche), qui est exploitée pour son argent (et zinc et étain), depuis les années 1500. C'est le plus gros gisement d'argent de tous les temps, il fit la richesse de l'Espagne coloniale qui y importait même des esclaves africains pour y travailler en plus des indiens. A l'époque, Potosi est aussi grande que Paris et Londres et l'influence de sa mine sur l'économie européenne est énorme .

Le jour ou nous arrivons, c'est carnaval et bataille d'eau dans les rues. On se promène dans la ville qui compte de beaux édifices coloniaux et de jolies rues typiques.






La ville et sa montagne aux milliers de galeries.



Le lendemain est un jour férié. Nous trouvons une agence tenu par un ancien mineur qui organise la visite des mines actuelles et se bat pour en améliorer les conditions de travail. On réserve cette excursion pour le surlendemain car le lendemain, les mineurs ne travailleront pas, ils décuiteront du jour férié... Le gars de l'agence nous invite à partager le repas du midi traditionnel avec la famille et les amis. On discute et on s'explose la panse de boeuf grillé, patates, salade et bière locale (provenant de la plus haute brasserie du monde bien sûr !). Cerise sur le gâteau, on mange tout ça sans couverts, avec les mains.

Boris a un petit problème de pantalon, deux gros trous aux fesses, résultat de 8 mois de bourlingage. Une marchande d'artisanat, qui est aussi couturière, pose deux pièces de tissus solide aux fesses du pantalon qui est maintenant bon pour faire un deuxième tour du monde ! La marchande rigole bien, elle ne doit pas avoir ce genre de demande tout les jours.

Le lendemain, nous visitons le bâtiment le plus célèbre de la ville : "la casa de la moneda", où l'Espagne, puis ensuite le Bolivie fabriquaient les pièces de monnaie en argent.


Les fonderies où travaillaient les esclaves. C'est là qu'étaient fabriqués les lingots d'argent.


La cheminée restaurée d'un des fourneaux.

Système pour laminer (affiner) les lingots d'argent à l'épaisseur des pièces. L'énergie est fournie par des ânes. A l'étage au-dessus se trouve un système d'engrenages en bois qui permet d'activer deux cylindres en métal dont l'écartement est légèrement plus fin que le lingot. Douze paires de cylindres de plus en plus rapprochés permettent d'obtenir l'épaisseur d'argent voulu.




L'outil servant à frapper les pièces est actionné par des hommes.

Puis la machine à vapeur a fait son apparition.
La chaudière.


La locomotive.


La Casa de la Moneda, c'est aussi des collections d'objets en argent, de pièces de monnaies, de minéraux et de tableaux dont la fameuse vierge montagne.




Le 6 mars, nous visitons une mine en activité avec le gars de l'agence. On s'équipe.

Puis on passe à un magasin de mineurs où l'on trouve tout le nécessaire pour travailler sous terre. On achète une boisson, de l'huile pour la foreuse manuelle, de la dynamite, des feuilles de coca et un cahier et des crayons. Tout cela servira de petits cadeaux aux mineurs rencontrés, ou à leurs enfants (sauf pour la dynamite bien sûr !). 



De nos jours les mineurs sont groupés en coopérative et gagnent un salaire variable en fonction du minerai trouvé. Le travail est très pénible et les mines dangereuses, mais il n'y a pas beaucoup d'autres emplois à Potosi et il faut bien faire manger sa famille. Une de leur priorité est aussi que leurs enfants fassent des études pour qu'ils ne finissent pas à la mine comme eux.

L'entrée de la mine et la galerie principale. Quelques câbles courent au plafond, l'électricité et l'air comprimé. Les rails au sol pour les wagonnets. Pas de ventilation, pas d'eau.


Quelques centaines de mètres plus loin, on croise un wagonnet plein de roche qui se dirige vers la sortie. Deux gars le retiennent, la galerie est en légère pente, ça à l'air très lourd, il n'y a pas de freins. Le guide nous dit que c'est un poste dangereux et très fatigant. Les gars peuvent se faire rouler dessus et ils n'ont pas de chaussures de sécurité bien entendu. Si le wagonnet leur échappe, ils prend de la vitesse et rien de l'arrête. Dans ce cas, il faut vite trouver un abris hors de sa trajectoire, et c'est pas facile dans cette galerie étroite.


Un peu plus loin, trois autres mineurs.

On s'engage dans une plus petite galerie. Ici le filon est exploité à la verticale, il faut escalader et se faufiler pour atteindre le front de taille. Nous rencontrons Gabriel qui travaille à casser du minerai au marteau, sans lunette. Cette zone est étroite, poussiéreuse, il y fait chaud et l'air se fait rare. Le guide nous dit que parfois du monoxyde de carbone provenant de la montagne envahit un secteur. Ils n'ont aucun détecteur de ce gaz mortel et inodore. Lorsqu'ils ne se sentent pas bien, que la tête se met à tourner, c'est le signal que le gaz arrive, il faut vite évacuer. 




Nous revenons sur nos pas et empruntons une autre galerie. Nous rencontrons un autre mineur qui prépare des explosifs.


Puis le guide nous amène dans un recoin ou réside El Tio (le diable). Les mineurs croient que le monde souterrain est sa demeure. Le diable, en s'accouplant avec Pachamama (la terre mère), a produit les filons d'argent. Les mineurs lui font des offrandes (alcool, coca, cigarettes) pour ne pas réveiller sa colère, éviter ainsi les accidents et trouver de bons filons. Au moment du carnaval ils le recouvrent de cotillons.

A la sortie de la visite qui dura 3h sous terre, nous pouvons nous dire que nous avons de la chance de ne pas être mineurs en Bolivie. Les conditions n'ont presque pas changées depuis le moyen âge, la sécurité n'est pas la priorité, l'essentiel c'est de trouver du bon minerai ! Les mineurs ont une espérance de vie courte, ils sont atteint de silicose si ils ne meurent pas d'un accident. Cette visite est un peu dangereuse mais ce que l'on découvre est hallucinant et bouleversant, au 21ème siècle...

Le 7 mars au matin, nous prenons un bus pour la ville de Sucre, réputée la plus belle de Bolivie.

12 commentaires:

  1. Et l'APEVA, il est ou??? Le diable doit faire moins peur déguisé comme cela.
    Sans rire, voir des conditions de travail comme vous nous montrez a du vous retourner.
    Grosses bises

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    1. APEVA ? qu'est-ce que c'est déja ? Ca nous dit quelque chose, mais c'est lointain :).
      Sans nous avoir retourné, car on commence a avoir l'habitude de voir des choses du genre, c'est vrai que de les voir travailler dans ces conditions si difficiles et sans sécurité nous a touché.
      Gros bisous

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  2. Encore un reportage trés intéressant sur un endroit dont je n'avais jamais entendu parler.
    Comme vous le dites bien les conditions de travail ont l'air déplorables et il doit bien y avoir quelqu'un qui s'en met plein les poches.
    On dirait que le laboratoire de l'ANDRA vous manque pour aller chercher des galeries souterraines à l'autre bout du monde...
    Gros bisous de Maman

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    1. Le malheur de Potosi, c'est que les mineurs s'exploitent eux-mëme. L'état s'est désengagé des mines depuis de nombreuses années par manque de rentabilité, la ressource se tarie. Et si les mineurs continus a creuser c'est qu'il n'y a pas d'emploi a Potosi et qu'ils gagnent quand mëme assez d'argent a la mine (environ 2 fois le salaire minimum bolivien) mais ils n'investissent pas dans leur propre sécurité.
      Andra, laboratoire ? qu'est-ce que c'est déja ? et dire que Boris ralait apres la sur-sécurité du labo.
      Gros bisous

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  3. Après les travailleurs indonésiens qui extraient le soufre dans les fumeroles du volcan, voilà les mineurs boliviens qui vont chercher l'argent dans des conditions encore pires sous terre... Moi qui m'inquiétais quand Boris descendait dans le trou profond de l'ANDRA!
    Merci, par ce reportage et votre courage de vous être enfoncés dans la mine, de nous rappeler la chance que nous avons de vivre dans le confort et une certaine sécurité...
    Grosses bises

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    1. On a du prendre plus de risque en 3h dans cette mine que Boris en 4 ans dans les galeries.
      Gros bisous

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  4. Excellent reportage, j'aime bien la photo d'Edith avec le mineur!!! tu paraîs moins sereine que la photo de l'entrée dans la mine!! merci encore pour ces reportages fascinant. bises georges et la famille casa

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    1. On est plus a l'aise a l'air libre que dans ces minuscules galeries a plusieurs centaines de metres dans la montagne, mëme si on est pas clostrophobe.
      Bises a toute la famille.

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  5. je crois qu'il y a beaucoup + de personnes dans cette situation dans les mines que de gens surprotégés.
    Merci de cette visite au "coeur de la terre". On a envi d'aider ces gens là.
    Le papy des 3 de FRED

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    1. Il y en a déjà plus de 15 000 sous terre à Potosi...
      Bye

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  6. Valérie m'a donné le nom de votre blog.je suis entrain de remonter votre voyage à contre sens.j'arrête là pour le moment. autrement, je vais y passer l'après midi, la soirée, la nuit, demain, après demain....J'adore et vous envie de la hauteur des mes 70 ans. Chut , il faut pas le dire.
    Le papy des 3 gaillards de FRED

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    1. Contents que le blog te plaise Didier. Il ne faut pas qu'il devienne une drogue ! C'est fini dans 2 mois.
      Bises

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